"Voici une autre question : Quelle est la clé pour stopper l’autodialogue dans sa tête ? Eh bien, juste quelques mots, parce que j’en ai déjà parlé quelques fois, en diverses occasions. En tout premier lieu, il vous faut savoir qu’il y a cet auto-dialogue, non pas après plusieurs heures où vous avez été complètement immergé dans cet auto-dialogue dans la tête, interrompu alors par un moment de répit : « Oh, que de bavardage ! » Pour vous en libérer, vous devez savoir qu’il y a l’auto-dialogue dans la tête pendant qu’il se déroule. Autrement, il y a juste l’auto-dialogue dans la tête sans conscience, sans perception. Il faut qu’il y ait un minimum de conscience d’où vous pouvez vous rappeler que vous voulez vous en libérer et que cela n’est pas qui vous êtes. Quand il n’y a pas ce minimum de conscience, vous ÊTES l’auto-dialogue !
Vous ÊTES la voix dans la tête. Il y a donc un peu de conscience et de là vous pouvez vous dire : « C’est futile. Ça tourne en rond. Ça mène nulle part ». Vous voyez également que, très souvent, cela engendre des sentiments négatifs, des émotions négatives, que cela vous empoisonne la vie. Et plus vous regardez ça, plus vous vous rendez compte que vous n’en avez pas besoin. C’est une réalisation incroyable ! Parce que l’autodialogue se convainc lui-même qu’il est nécessaire, d’autant plus quand l’auto-dialogue est fait de soucis : « Il faut absolument que je pense à ces gros problèmes que j’ai dans ma vie. Je dois vraiment y penser maintenant. Et il ne faut surtout pas que je m’arrête d’y penser sans quoi je vais perdre complètement le contrôle ». Et vous y passez toute la nuit : « Je dois, il faut que… Qu’est-ce que je vais faire ? Et si ceci, si cela ? Et si ça arrive ? Oh, non ! » Or, vous ne voulez pas ça, vous en voyez la futilité, et la possibilité de la libération émerge alors. Vous avez alors la liberté de choisir de retirer votre conscience du penser. Vous retirez votre conscience ou votre attention du penser de façon délibérée. Mais vous ne pouvez le faire, comme je l’ai dit, que s’il y a un minimum de conscience. De là, vous pouvez choisir, non plus de rester engagé dans le processus mental, mais de mettre votre attention sur quelque chose d’autre, par exemple sur votre respiration. Ainsi, vous retirez votre attention du penser et vous vous sentez respirer. Certains appellent ça méditation, mais vous n’avez même pas besoin de le nommer. Avec votre attention, vous suivez l’air qui pénètre votre corps et qui en ressort. L’attention suit, dans le corps et hors du corps. En faisant cela, est-ce que vous pensez ? Non, vous ne le pouvez pas. Vous ne pouvez pas percevoir votre respiration et penser en même temps. C’est étonnant ! Et voilà, c’est fait ! Soudainement, vous avez choisi. Cela ne veut pas dire que le penser ne va plus attirer votre attention : « Reviens ici, reviens ici, reviens ici ! » Cela ne veut pas dire que vous n’allez pas très souvent perdre la conscience de votre respiration, mais voir que c’est possible est une chose étonnante. De là, vous pouvez aller dans la conscience de votre corps subtil, ressentir la vie dans chaque main, dans les deux mains, dans vos pieds, dans les bras, les jambes, dans tout le corps. Ressentez la présence vivante qui habite et anime le corps. Vous ne pensez pas alors. C’est en fait très plaisant. Vous faites ce choix, parce que vous avez vu la futilité de cette sorte de penser et vous avez choisi d’amener ailleurs votre attention, sur la respiration, sur le corps subtil ou sur les perceptions sensorielles. Regardez autour de vous et percevez les choses, quoi que ce soit, une fleur, la lumière, le ciel, le sol. Percevez en conscience. Écoutez les sons, sentez les odeurs. Éveillez vos sens, mettez-y votre attention, cela la retire aussi du penser.
N’interprétez pas vos perceptions sensorielles, percevez simplement !
Vous avez là trois points d’accès : la respiration, le corps subtil et les perceptions sensorielles.
Vous pouvez choisir là où vous allez porter votre attention. Le penser va habituellement recapturer votre attention. Après un certain temps, vous le remarquez et vous faites le choix de lui retirer une nouvelle fois votre attention. Respiration, et voici votre attention à nouveau recapturée ! Ce processus va se produire d’innombrables fois, mais si votre attention est recapturée, c’est que vous ne pensiez pas, et tout cela fait partie du processus d’éveil. Vous n’avez pas perdu, parce que si le penser reprend votre attention, cela veut dire qu’il n’y avait pas de pensée juste avant. Ce n’est pas un échec. Vous avez été relativement libéré du penser pendant un moment. Vous devez donc accepter le fait que, probablement, d’innombrables fois, vous allez passer par ce processus du choix conscient de ne pas penser quand le penser est tout simplement dysfonctionnel. C’est quelque chose de beau à faire et c’est la véritable pratique spirituelle et peu à peu, les moments où vous ne pensez pas se prolongent et le penser obsessionnel s’affaiblit. Et le véritable penser, le penser créatif devient plus fort."
Eckhart Tolle
http://nouvelleterre.filialise.com/pdf/TroisPortes.pdf