"Quand les gens rentrent du travail à la maison, le mental veut passer à autre chose et quand vous avez préparé et pris votre repas, le mental se précipite sur autre chose. Est-ce la télévision ? Est-ce le téléphone ? Est-ce Internet, les e-mails ou les textos (comme le font les adolescents) ? Il y a bien d’autres choses. Ce n’est pas un problème, c’est très intéressant ! Récemment, je me suis mis à envoyer des textos de temps en temps et c’est tout à fait intéressant, mais il importe d’être conscient de l’exigence du mental qui veut sa pitance, son stimulant. Et si vous ne l’obtenez pas, vous vous retrouvez immédiatement dans un état d’agitation ou dans « un état envahissant d’insatisfaction », comme le dit la personne qui pose la question.
Vous ne vous sentez pas à la maison. Ce sentiment est toujours là bien sûr, mais il est obscurci par le mental. Cela veut dire que si vous continuez de nourrir votre mental avec ces choses, vous n’atteignez jamais les niveaux plus profonds en vous-mêmes. Vous êtes bloqués. À un certain moment, il vous faut faire face à l’insatisfaction sans l’anesthésier continuellement, ni trouver une sorte de substitut au véritable sentiment de vie, parce qu’en réalité, c’est ce qui se passe. Vous ne vous sentez pas vraiment vivants, ne ressentez pas la vie. Vous avez besoin d’une sorte de stimulant pour avoir le sentiment d’être en vie.
C’est donc important d’être capable de simplement stopper de nourrir tout le temps le mental. Le mental a suffisamment de quoi faire avec les choses qu’il doit vraiment faire. Simplement, restez avec vous-mêmes et permettez à l’ennui d’apparaître sans le fuir. D’abord, vous avez besoin de le sentir, d’aller ainsi un peu plus profond. Et si vous ne le fuyez pas, vous pouvez en réalité passer à travers. Soudainement, vous vous retrouvez au-delà. Il y a un petit obstacle en vous, mais si vous ne fuyez pas, si vous restez avec, avant que vous le remarquiez, vous êtes tout à coup allés plus profondément en vous. Il peut être très utile de sentir le corps subtil pendant que vous êtes assis et que l’ennui arrive.
L’ennui arrive, vous pouvez le sentir. Vous vous mettez à regarder autour de vous : « Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire ? À quoi est-ce que je vais bien pouvoir penser ? Il doit bien y avoir quelque chose à faire, à quoi penser ou dont s’inquiéter (c’est encore mieux) ». Et vous restez présents, vous constatez cela. Simplement, supportez l’inconfort du mental qui n’obtient pas suffisamment de quoi le stimuler, de la nourriture. Et ce n’est pas si terrible. C’est juste à supporter.
Commencez alors à sentir le corps subtil, la vie dans vos mains, vos bras, vos pieds, vos jambes. Vous avez déjà franchi le seuil de l’ennui pour arriver dans quelque chose de plus profond. Et soudainement, vous vous sentez vivants, sans stimulant mental, en fait plus vivants que vous pourriez jamais vous sentir avec un stimulant mental, parce que le stimulant mental est toujours à la surface de qui vous êtes, des rides à la surface, et maintenant, vous allez plus profond.
Et vous avez alors la capacité à rester assis, debout ou allongés en vous sentant à l’aise avec « l’ici et maintenant ». C’est tout ce qu’il y a jamais, la vie ici et maintenant. Soyez à l’aise avec vous-mêmes, ici et maintenant, pour vous sentir à la maison, ici et maintenant, sans avoir besoin de vous échapper dans quelque zone mentale qui ne se trouve pas ici et maintenant, sans le besoin de penser à ceci, le besoin de jouer à un jeu vidéo, le besoin de regarder tel programme...
Voyez au moins ce qui se passe avec les magazines. Voyez comme le mental les consomme. Voyez comment ils les parcourent, dans les salles d’attente ou chez les gens. De nos jours, les magazines sont souvent remplacés par un écran, mais les gens sont toujours comme ça : . . . Il y a une recherche avide de quelque chose d’autre et rien n’est jamais suffisamment intéressant. Donc, qu’est-ce qu’il y a d’autre ? C’est un dysfonctionnement.
Ce qui est magnifique, c’est qu’il y a en vous l’aptitude qui se développe à être enraciné dans le moment présent, en vous-mêmes, sans avoir besoin d’un stimulant extérieur mental pour vous faire vous sentir complets ou vivants. En fait, c’est seulement maintenant que vous vous éveillez vraiment à la vie.
Il y a un philosophe français célèbre qui vivait il y a quelques siècles – est-ce que c’était Pascal ? – qui a dit : « Tous les problèmes de l’humanité peuvent être attribués à l’incapacité de l’homme (l’homme comprend aussi la femme) ou trouvent leur origine dans l’incapacité de l’homme à rester assis tranquillement dans une pièce ». Tous les problèmes du monde peuvent être attribués à votre incapacité à rester assis tranquillement ou à l’aise dans une pièce.
Ce que cela implique est vaste et profond. Ce n’est pas juste être assis tranquillement dans une pièce, parce que être assis tranquillement dans une pièce implique, pour que vous soyez capables de le faire, d’être connecté à ce qui est plus profond en vous que le mental. Autrement, vous ne pouvez pas être assis tranquillement dans une pièce. Vous vous ennuyez. Vous pouvez sembler tranquilles extérieurement, mais vous ne l’êtes pas à l’intérieur.
Vous allez donc à l’intérieur. Vous utilisez le corps subtil comme point de départ pour aller plus profondément et pour retirer votre attention de là où elle réside habituellement, dans le mental pensant. Vous passez donc de l’ennui à l’être et vous appréciez tout à coup de juste être. C’est un éveil prodigieux si vous pouvez simplement apprécier le seul fait d’être et à partir de cet état de vie de l’être, vous pouvez regarder autour de vous et trouver du plaisir et du contentement en ce que vous voyez, entendez ou percevez (selon le sens concerné) : les petites choses autour de vous, leur présence tranquille, les fleurs, la table, les rideaux, tout ce qui est là, le ciel par la fenêtre, la pièce, la totalité de la pièce, la tranquillité. Tout est magnifique.
Vous n’avez donc plus besoin de tous ces substituts. Bien sûr que vous continuez d’utiliser Internet, mais non plus parce que vous ne supportez pas d’être avec vous-mêmes. Vous ne vous supportez pas ! Et c’est la réalité pour la plupart des gens. Pensez-y ou rendez-vous compte de ce que cela veut dire, à quel point c’est dysfonctionnel : vous ne vous supportez pas. C’est pourquoi vous courez sans cesse après une chose ou une autre.
Et si quelqu’un ne peut pas se supporter, quel genre de relations va-t-il avoir ? Si vous ne pouvez pas vous supporter, vous utilisez les autres pour vous faire vous sentir un peu mieux, mais cela ne marche pas. Et, en fait, l’incapacité à être avec vous-mêmes est également reflétée et projetée sur les autres. Être avec les autres est aussi un problème. Au début, vous essayez de les utiliser et ensuite, vous ne les supportez pas non plus.
Il vous faut donc percer cette barrière mentale, parce qu’autrement, vous passerez le reste de votre vie sans être capable d’être assis tranquillement dans une pièce et, comme le disait le philosophe français, tous vos problèmes proviennent de là, de cette incapacité, parce que, ce qui est vraiment impliqué, c’est que vous n’êtes pas connectés à l’être ; vous n’êtes pas connectés à ce qui est plus profond que la personnalité fabriquée par le mental, le penseur.
Donc, venez à la maison, chez vous-mêmes, afin que vous puissiez apprécier votre propre compagnie. C’est alors que vous pourrez aussi apprécier véritablement la compagnie des autres plutôt que de les utiliser comme des substituts. Appréciez-vous vous-mêmes. Il s’agit de s’apprécier soi-même. Comme l’expression le suggère, tout commence là : pouvez-vous apprécier votre soi, votre être. Autrement, rien ne vous satisfera jamais, parce que vous n’êtes pas à l’aise avec vous-mêmes et vous emmenez votre soi mécontent où que vous alliez, dans toute relation, partout."
Eckhart Tolle