Toute la vision de la pensée est la vision d'un œil de verre. Quand la conscience pure se dévoile à elle-même, telle est l'incroyable découverte qui l'attend.
La conscience est cette lumière immatérielle qui révèle à lui-même notre être intérieur, cette miraculeuse transparence à soi de notre présence.
Par ailleurs, toucher son moi le plus vrai, le plus profond, c'est accéder intuitivement, de façon parfaite, à l'universalité évidente de l'âme humaine. Je ne suis
pas une singularité fermée. Ce qu'en esprit, je vis personnellement, quand bien même avec raison je jugerais qu'il s'agit d'un événement rarissime, est, en droit, accessible à tout esprit. Je
puis donc être entendu.
Notre visage se ride, pas notre âme, pas notre moi essentiel. Notre être intérieur est éternellement naissant. Toute chose par essence, est commençante. C'est
toujours la première fois. Il n'est d'autre lumière que celle de l'aube.
Dans le faux monde, on ne rencontre que des arcs de triomphe. Quand cet ersatz se fendille et tombe, d'un seul coup, comme une écorce, la vraie grandeur est
atteinte : ne subsistent plus que les petites choses insignifiantes... Et toute la grandeur de Dieu flambe dans cette humilité !
Ce matin-là (le matin de l'éveil), tous les géants furent balayés, il ne resta que les nains, il ne resta que les petites choses. Ce matin-là, l'orgueil fut dévasté
! l'orgueil est bruyant, j'éprouvais l'impression de respirer l'extase muette d'une averse de neige. Je me dis que j'étais de retour à la maison.
L'éveil est l'accession à la réalité infinie de l'âme... L'éveil ne fait aucune différence de valeur entre le discours, même sain, droit, sur l'éveil et la pratique
de la pêche à la ligne. L'éveil se fiche éperdument de la forme de nos actions et, je vais vous scandaliser, de leur valeur morale.
Je suis en train de naître... Adieu les rôles et les engageantes situations. Adieu les choses concernantes, les obligations. Si je suis père, compagnon ou ami, je
suis avant tout libre, libre, absolument libre de n'être rien, rien, absolument rien. Conscience seulement ! Mon seul devoir est d'être, rien que d'être. Et en plus j'ai le droit de jouer.
Les regards sont sans importance. De toute façon, ces regards ne me voient pas. Il y a ce qui est. Ce qui est, est. Il n'y a pas quelque chose observant ce qui est
: ce quelque chose n'a simplement pas d'existence.
Je suis tombé éperdument amoureux de l'anonymat. Être rien et non référencé, non catalogué. Dire pour la joie de dire, être pour être, rien d'autre... Je suis et en
mon sein une histoire est contée.
Qu'est-ce que l'éveil ? C'est éprouver toujours - moi, personnellement, à l'instant - dans l'ébullition éruptive du mouvement de vie, qu'il n'y a que de la lumière
et de l'amour. "Âme agréante et agréée" dit la tradition persane.
Voyage au centre de soi (Éditions Accarias -
L'Originel-2000).