Dan: "Tu es le Rien du Tout."

Question : J'ai conscience, bien sûr de certaines manifestations de mon ego. Mais que puis-je faire pour me libérer totalement de l'ego ?

Réponse : Avant toute chose, cesse de t'identifier à l'idée d'être un ego. Cette idée est erronée. Et c'est pour cela qu'elle fait souffrir. Tu dois réaliser que le petit moi n'est pas ce que tu es vraiment. Ce que tu appelles ego est juste une représentation mentale qui pointe vers une entité qui n'a aucune réalité. Ce que l'on appelle ego n'est pas une entité doté de libre arbitre ou de conscience. C'est juste une dynamique de pensées transitoires. Dans l'instant où, ce que tu appelles l'ego - c'est à dire cette surimposition de pensées qui semblent fragmenter l'indivisibilité de la vie en un sujet percevant et un objet perçu - est vu comme un simple imaginaire, alors se révèle l'unité sous-jacente.

Question : Qui réalise cela ?

Réponse : Personne. La réalisation n'est pas celle d'une personne, d'un individu ou d'une conscience séparée, avec un nom et une forme. Ni celle d'une âme spéciale, ou d'une entité supérieure.

L'irréalité de la personne doit être constatée. La réalisation est impersonnelle et atemporelle.  Cela qui constate en nous n'est pas personnel. Cela qui constate ne fait pas de commentaires. Cela qui discrimine entre le transitoire et le permanent précède la pensée et la perception. La perception et la pensée prennent place à l'intérieur de Cela par quoi tout est constaté.

Dans la Kéna Upanishad, il est dit : "Ce n'est pas ce que l'œil perçoit mais ce par quoi l'œil perçoit, tel est le Brahman et non cela que l'on honore comme tel." 

Il est réalisé - par personne - que ce que tu es n'est pas le sujet percevant, la personne, mais une Réalité atemporelle et impersonnelle, déjà pleinement présente et consciente, dans laquelle l'idée d'un sujet percevant et d'un objet perçu apparaissent et disparaisent.

Il est réalisé que toute perception change mais pas Toi avec un grand T. Toi avec un grand T, Toi, Présence atemporelle, Tu es présent avant, pendant, et après l'apparition-disparition de l'apparent sujet percevant et l'apparent objet perçu.

Lorsqu'au moyen de l'Investigation, on remonte à la source du moi séparé, il est toujours constaté qu'il s'éclipse dans le Silence.

Question : Par investigation que veux-tu dire ?

Réponse : Dans la Katha Upanishad, il est dit que "parfois une âme intrépide en quête d'immortalité s'est retournée en arrière et s'est trouvée elle-même" !

Le retournement de la Conscience sur elle-même, permet à la Conscience sans forme et sans âge de se reconnaître elle-même. C'est une des formes essentielles que prennent dans le rêve, la possibilité de s'éveiller au rêve. C'est une des formes que la Conscience "imagine" pour cesser de s'identifier à une entité séparée perdue dans le rêve. En se détournant des objets de perception et en se retournant sur elle-même, la Conscience se révèle à elle-même, telle qu'elle n'a jamais cessé d'être en réalité.

La Conscience cesse de rêver. La Conscience cesse de faire "comme si". Elle cesse de faire semblant.

Elle cesse d'ignorer son apparente ignorance. Elle sort de l'hypnose.

Donc au départ, Tu dois désirer t'éveiller au point que cet éveil soit Ton seul désir. Tu dois le désirer aussi fortement que le désir de respirer si tu étais maintenu sous l'eau par une main depuis plus de deux minutes.

Et, quand je dis t'éveiller, c'est plutôt de réveil dont il faudrait parler. Car tu ne fais que reconnaître ce que tu es déjà. L'éveil est en réalité un réveil à ce qui est éternellement présent. 

C'est pour cela que la métaphore du rêve résonne tellement pour moi. On peut apprendre à être lucide au cours du rêve nocturne. Et, si on le désire fortement, en se posant certaines questions, par le biais d'une sorte d'Investigation, réaliser la nature irréelle du rêve par rapport à une réalité plus grande qu'est le fait qu'en ce moment je suis en réalité une personne en train de dormir dans mon lit et de projeter tout ceci.

Question : Qu'appelle tu réalité ? 

Réponse: Ce qui est ultimement Réel est ce qui ne change pas.

Sur un plan relatif, on peut découvrir que la réalité des perceptions dans un rêve nocturne changent plus rapidement que l'apparente stabilité du monde de ce que l'on appelle communément l'état de veille. 

De la même façon, il peut être constaté, que l'apparente stabilité du monde de l'état de veille n'est en réalité qu'impermanence comme le disait le Bouddha. On peut alors découvrir par l'investigation, une réalité qui transcende toute perception, dans l'état de veille. On peut découvrir en soi, quelque chose qui n'est pas quelque chose et qui ne change jamais. On a appelé cela Turiya, dans la Mandukya Upanishad, le 4 ème état. C'est l'état qui transcende les trois autres états que sont l'état de veille, de rêve et de sommeil profond. Ce n'est d'ailleurs pas à proprement un état, puisqu'il ne change pas et ne dépend d'aucune perception ou expérience, mais plutôt un non état. 

Question : Comment faire concrètement pour découvrir en moi ce 4 ème état ?

Réponse : Pour se connaître vraiment soi-même tel que l'on est réellement, tu dois tourner ton attention à 180 degrés vers la source de l'attention, comme on le fait ici dans les pratiques de la Vision Sans Tête, par exemple. Tu découvres alors, ô stupeur, Ô grands dieux, qu'en pointant vers le lieu qui regarde, il n'y a, si tu ne fais pas référence à la mémoire ni aux associations mentales, littéralement ni yeux ni tête ! Tu ne trouves aucune entité personnelle derrière les yeux imaginaires. Juste une immense clarté, une vacuité, une transparence, une ouverture consciente, une conscience sans contenu, consciente d'être consciente.

Tu découvres au sens de "cesser de couvrir", un regard sans personne, une vision sans tête.

Et, si Tu demeures en tant que cette ouverture, il est réalisé que Tu n'as jamais cessé d'être cette ouverture. Et, que cette ouverture est complètement détachée du monde (c'est à dire des perceptions), du corps (c'est à dire des sensations) et du mental ou de l'ego (c'est à dire des pensées).

Question : C'est peut-être ce détachement du monde et des autres qui me fait peur. Ça me semble froid et sans vie.

Réponse : On ne peut pas comprendre la profondeur du détachement tant que l'on ne fait que se le représenter intellectuellement.

En réalité, il est également découvert que cette vacuité n'est nullement séparée de tout ce qui apparaît en elle. Dans la Vision Sans Tête, toutes les couleurs apparaissent à 0 cm de cette ouverture, comme tous les pixels d'un film apparaissent à 0 cm de l'écran. Tout ce qui apparaît apparaît donc également en tant que Toi. C'est le visage de l'autre qui apparaît "sur tes épaules", c'est le monde et les créatures qui apparaissent dans la vacuité de cette ouverture, les expériences qui apparaissent en toi ET en tant que Toi. Tu es le Sans Forme prenant toute forme.

Comme le disait Einstein : "L'univers entier n'est qu'une condensation du même vide".

Et tu es ce Vide.

La réalité est à la fois transcendante et immanente.

Question : Ça, ça me parle beaucoup plus !

Réponse : Nisargadatta Maharaj avait cette phrase extraordinaire :

"Quand je vois que je ne suis rien, c'est la sagesse. Quand je vois que je suis tout, c'est l'amour. Entre les deux ma vie s'écoule".

C'est dans le détachement absolu de toute perception, de toute pensée, de toute créature que l'on se rend disponible pour le plus vaste. C'est seulement lorsque l'on est vide de prétentions à savoir,vide de prétention à vouloir, vide de croyances, vide de possessions et d'identifications, que l'on peut découvrir l'unité avec tout ce qui est.

Tant que Tu t'identifies à l'idée d'être une personne tu ne peux pas réaliser que tu es tout. Tu peux l'imaginer, le concevoir, l'intellectualiser, mais pas le vivre directement.

Si tu veux sentir le WOW, l'étonnement, l'émerveillement d'être tout, tu dois te déprendre de tout ce que tu crois être, même de Dieu comme disait Maître Eckhart. Il voulait dire par là se déprendre de toute conception de Dieu. Reconnaître que je ne suis rien de perceptible ou de concevable même lorsque cela semble beau et traditionnel et plein d'amour.

En ce sens le Neti Neti (ni ceci ni cela) est d'une profondeur abyssale. Donc, même si la voie de l'amour semble "te parle plus" que la voie de la connaissance qui est la voie du détachement de ce que tu n'es pas, si tu ne peux réaliser sur un plan profond que tu n'es rien, tu ne peux goûter vraiment à la joie d'être tout.

Question : Pourquoi ?

Réponse : Parce que ce n'est pas Florent qui est le Tout mais le Rien que tu découvres en retournant l'attention à 180 degrés vers la source de la perception.

Tu es le Rien du Tout »

Dan

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