"Il est indispensable de poser le problème de la souffrance physique liée à la mort : on se demande naturellement comment parvenir à un réel lâcher-prise en face d'une douleur aiguë.
La première chose à clarifier est que la douleur doit être vue comme un objet parmi d'autres, dans la perspective que, fondamentalement, nous ne sommes pas un objet et ne pouvons pas avoir peur ou ressentir la douleur. Nous devons donc être absolument clairs au sujet de notre profonde non-implication dans les événements qui entourent la sensation nommée par nous douleur ou maladie.
Nous ne pouvons pas dire : « J'ai peur, j'ai mal, je suis en train de mourir », parce que le « je» n'a pas changé et ne change pas. C'est le corps qui éprouve la sensation et c'est le mental qui crée la peur.
Une fois que l'on voit clairement ce que l'on n'est pas — le corps et les sensations, le mental et ses pensées, la souffrance est réduite de manière considérable.
Alors on peut faire face directement à la sensation, à la maladie, sans interférence psychologique.
La douleur, comme tout objet, pointe vers notre vraie nature. Elle doit être vue de façon objective, en face de nous, comme si le corps appartenait à quelqu'un d'autre. En l'objectifiant, nous en sommes extirpés, nous ne sommes plus noyés dans la maladie, la sensation. Et, dans l'espace psychologique ainsi créé, il y aura un aperçu de la véritable liberté à l'égard de ce fardeau. Il ne suffit pas de vaguement constater cette brève sensation de détachement. Nous devons nous intéresser vraiment à cette sensation de liberté, c'est-à-dire en faire à son tour un objet d'attention, se nourrir et vivre dans cette libre sensation. Avec elle vient la conviction que l'on n'est ni le corps sain, ni le corps malade."
Jean Klein