"Vivre l'enfance de l'être, c'est ne plus rien savoir, ne plus rien vouloir. C'est être soi-même le mystère..
Vivre, ce n'est plus alors traverser la vie, c'est être la vie, son courant inattendu, sans intention.
Bien sûr, il y a la vie quotidienne qui s'organise matériellement mais quand le cœur est un désert où plus rien ni personne ne se désire, il n'y a plus d'attente, plus de souci du lendemain. La peur de mourir n'existe plus, car il n'y a plus personne à préserver.
Il peut y avoir comme des réflexes de "survie" mais ils n'ont pas de prise sur le silence qui règne désormais en maître. Voir simplement ces réflexes les font instantanément disparaître dans le silence.
Qu'est-ce qui m'empêche de vivre l'enfance, la fraîcheur de mon être sinon la croyance tenace d'être quelqu'un de bien particulier. Se croire quelqu'un (de bon ou de mauvais), c'est entrer dans l'oubli, c'est instantanément perdre confiance en la vie.
Se croire quelqu'un, c'est se prendre au sérieux, c'est quitter instantanément la joie enfantine de ce que je suis et qui n'a pas de cause.
Ce que je suis n'appartient à personne. Ce que je suis n'a pas d'identité. Ce que je suis est immuable et en même temps insaisissable. Ce que je suis, je ne peux l'atteindre ! C'est ce que je ne suis pas qui me fait penser le contraire.
"Qu'est-ce que je peux bien croire sur moi qui me rive encore à l'identité ?"
Si je "me" pense, je m'oublie. Ne plus "me" penser, c'est vivre à chaque instant dans la nouveauté, dans l'émerveillement sans cause de ce que je suis. Et en même temps, suprême paradoxe ! Impossible de me trouver quelque part ! Je n'ai pas d'identité.
Quitter ce que je suis est impossible. Quitter ce que je ne suis pas est possible dès maintenant ! Il suffit de regarder, de voir que mon être est rien et que ce rien est de l'amour sans cause.
Voir qu'à partir du moment où je me pense quelque chose ou quelqu'un, je sors instantanément de l'enfance de mon être véritable et deviens quelqu'un de très important qui prend la place du silence.
Je n'ai aucune importance puisque je ne suis rien ! Et au cœur de ce rien bat un cœur étonnamment vivant qui n'appartient plus à personne mais à la vie même. Tout simplement."
Suryame