« Quand on n’a pas besoin d’être touché, quand on n’a pas besoin de toucher, on peut vraiment toucher et être touché. Mais qui a besoin d’être touché ne peut pas être touché ; qui a besoin de toucher ne peut pas toucher.
Dans les prétendues voies spirituelles, il y a une espèce de fantasme de perfectionnement, le fantasme de s’épurer, de comprendre, de s’améliorer, de se changer, une espèce de moralisation pathologique qui vient de psychismes déséquilibrés. Il n’y a rien à atteindre dans la vie, rien à devenir, rien à changer. Les difficultés que l’on a, les pathologies que l’on porte, les incertitudes, les difficultés que l’on rencontre, c’est cela qui est essentiel. C’est cela, la beauté – ce qui est profond -, et non pas de se libérer de ces choses-là pour arriver à quelque chose.
La beauté est maintenant ; elle n’est pas demain. Dès que je crois que la beauté est demain – si je deviens comme ceci, si je comprends cela, si je deviens libre… -, je m’éloigne de ma résonance de maintenant. Alors maintenant je ne suis rien et demain je vais être tout ? Non. C’est maintenant que je suis tout, dans ma résonnance. Je n’ai pas à aller quelque part pour cela, ni à faire quelque chose ni à changer quoi que ce soit.
Il est très important de se rendre compte que l’on n’est pas confus – on sent la confusion. Quelqu’un de vraiment confus ne sait pas qu’il l’est. Il se croit clair. Tous les « libérés » que l’on trouve sur le marché de la spiritualité et qui se croient clairs, voilà la confusion. Ce qui est fascinant, merveilleux, absolument satisfaisant, c’est ce qui se présente dans l’instant. Il n’y a rien d’autre et il n’y aura jamais rien d’autre. Il n’y a pas une vérité cachée derrière des apparences. La vérité, c’est le ressenti quand je ne crée pas l’histoire que la vérité doit être autre chose que ce que je ressens dans l’instant.
Le bonheur est ici lorsque je ne prétends plus qu’il est ailleurs. Si je dois bouger d’un millimètre, ça ne m’intéresse pas. Ce que je veux, c’est ce que j’ai. Dans la tranquillité, il n’y a nulle part où aller. Ce que je peux trouver à l’extérieur, je peux le perdre. Alors, je ne vais nulle part ; je reste ici, présent. Penser qu’il y a plus là-bas qu’ici est un fantasme.
De nombreuses personnes se retirent pour vivre dans un monastère, où les perturbations extérieures sont réduites au minimum. Là, elles méditent et accomplissent des tas d’activités étranges qui les aident à préserver leur confort psychologique…mais dès qu’un désir, une peur ou une émotion apparaît, cet état est perturbé par l’émotion.
S’asseoir en silence, c’est pour la joie de s’asseoir en silence. Sinon, on en vient à ce fantasme fasciste de la tradition zen, selon laquelle vous voulez atteindre quelque chose. Cela a mené à la collaboration des branches Soto et Rinzai dans la guerre de Mandchourie et dans la Deuxième Guerre mondiale. La contribution des monastères zen à l’expression fasciste de l’armée japonaise en Chine était parallèle à l’attitude zen de vouloir atteindre le satori, de pratiquer le zazen. La guerre est une conséquence très claire du désir ; toute intention crée un conflit.
Eric Baret