Dieu ne donne à personne. Il est offert à tous,
et peut, si tu ne veux que Lui, être ton bien. (21)
Ni le monde ni Dieu ne peuvent te troubler ;
c'est toi-même, en fait, qui t'inquiètes des choses. (25)
Il n'est rien qui te meuve et toi-même es la roue,
qui d'elle seule court et n'a pas de repos. (37)
Dieu est le grand prodige, car il est ce qu'il veut,
et veut tout ce qu'il est, sans mesure ni but. (40)
Homme, comment peux-tu former désir quelconque
Quand tu renfermes Dieu en toi et toutes choses. (88)
Vois que ce monde passe. Non, il ne passe pas.
Dieu n'efface de lui que son obscurité. (109)
Tu dois être limpide et habiter l'instant
pour qu'en toi Dieu se voie et doucement repose. (136)
L'entier abandonné est toujours libre et un ;
de lui à Dieu, peut-il y avoir différence ? (141)
Que désirer encore, quand tu peux à toi seul
être le ciel, la terre et des myriades d'anges ? (149)
Le feu fond et unit : à ton point d'origine,
ton esprit avec Dieu sera fondu en Un. (163)
La Sagesse a plaisir d'être avec ses enfants.
C'est que, merveille, elle est elle-même un enfant. (165)
Toi-même fais le temps, tes sens en sont mesure.
Que l'inquiétude cesse et c'en est fait de lui. (189)
Je ne sais vers quoi tendre ! Tout m'est un : lieu, non lieu,
éternité et temps, nuit et jour, joie et peine. (190)
La vacuité parfaite est comme un vase noble
qui contient du nectar : il a, mais ne sait quoi. (209)
Les créatures sont la voix de la Parole
qui résonne et se chante en douceur et courroux. (270)
La rose est sans pourquoi, fleurit car elle fleurit,
ne se regarde pas, ni cherche à être vue. (289)
Quelle stupidité d'aller boire à la flaque,
et laisser la fontaine au cœur de la maison. (300)
Angelus Silesius (1624-1677)
http://famille.delaye.pagesperso-orange.fr/Sagesse/silesius.html