"Si quelque chose me dérange, c'est que j'ai inversé les choses, le problème n'est pas là bas, le problème est ici.
Personne ne peut me déranger, il n'y a que moi qui puisse me déranger.
Je suis l'auteur de mon propre dérangement. Quand quelque chose semble se présenter comme extérieur, c'est une pensée.
Comment aurait-on une sensation extérieure ?
Ce qui est profond c'est le ressenti.
Le ressenti est non duel.
La pensée est toujours duelle.
Vous n'attendez plus rien de ce qui se passe, parce que vous avez compris profondément que ce que vous cherchez n'est pas dans ce qui se passe.
Ce que vous cherchez est ce que vous êtes.
Vous ne pouvez pas le trouver avec une voiture, un mari, un enfant, un corps, une religion, donc vous n'utilisez plus la beauté de la vie pour vous trouver.
Tant qu'il y a la moindre attente, vous êtes toujours déçu, amer.
Lorsque vous ne voulez rien, cette douleur-là n'est plus possible.
Je suis avec ce qui arrive dans l'instant.
La douleur, le deuil, la naissance, l'argent, la pauvreté - je veux ce qui est là, maintenant.
Tant qu'il y a une attente, il y a une peur. Tant qu'il y a une peur, on ne peut pas fonctionner.
Dans les prétendues voies spirituelles, il y a une espèce de fantasme de perfectionnement, le fantasme de s'épurer, de comprendre, de s'améliorer, de se changer.. il n'y a rien à atteindre dans la vie.
Ce qui arrive est ici, jamais là bas.
Tant que l'on croit le problème hors de soi, on est en train de se raconter une histoire, on ne peut pas écouter.
Je ne peux pas sentir et penser à la fois.
Cela se fait tout seul. Tôt ou tard, on se rend compte que l'environnement est parfait, que c'est nous qui avons un problème.
Tant que j'ai la fantaisie de prétendre que le monde existe et qu'il me fait souffrir, aucune maturation n'est possible.
Je ne connais que ma projection du monde et je ne peux rien connaître d'autre. Je dois avoir l'humilité de reconnaître que c'est ma propre souffrance qui m'est révélée par la situation."
Eric Baret
http://alavie-over-blog-com.over-blog.com/2018/12/une-espece-de-fantasme-de-perfectionnement.html
"En dessous de tout, cependant, se cache notre conscience de soi. La conscience de soi humaine est la racine de notre sentiment de séparation du monde naturel, et les uns des autres d'ailleurs. C’est le paradoxe suprême de la condition humaine - à la fois notre plus grande gloire et notre défaut fatal. C'est le dualisme - la division perceptuelle en sujet et objet - qui nous a donné la science. C’est la source de notre capacité à voir les autres comme «différents mais identiques», ce qui nous donne le pouvoir d’agir de manière altruiste. C’est aussi derrière le sens de soi et des autres qui nous a permis de dominer tout ce que nous étudions, qu’il soit animal, végétal, minéral ou humain. Notre sentiment de séparation est la rupture de l'esprit humain qui a permis à notre situation actuelle de se développer.
Si tel est le cas, aucune réparation physique, politique ou économique ne guérira la plaie.
La solution à notre situation difficile n’est pas - ne peut être - matérielle, politique, économique ou simplement philosophique.
Si une "solution" existe, elle est orthogonale à tous ces domaines.
C’est seulement en guérissant notre croyance en notre identité que nous pourrons enfin et pleinement rétablir notre équilibre avec la Nature."
Paul Chefurka
http://volte-espace.fr/the-twelve-suggestions-paul-chefurka/
Thich Nhat Hanh
Christiane Singer
"Pour s'éveiller à la connaissance de soi, il faut en effet opérer un certain geste intérieur qui est tout simplement un désintéressement du monde.
Ce désintéressement, je l'entends au sens kantien du terme, c'est-à-dire comme une sortie de l'emprise du moi sur la perception. Il faut libérer le regard du couple sujet/objet pour apprendre à nouveau à voir le monde et les objets sans projeter sur eux des désirs, des attentes, des peurs, des concepts.
Il faut que la conscience se débarrasse de ces couches conceptuelles et affectives comme on enlève de la buée sur des lunettes pour qu'elle puisse enfin être attentive à l'acte même d'être attentif, à l'expérience d'être conscient.
Il s'agit de voir la vision, d'écouter l'écoute, ou mieux d'être la vision, d'être l'écoute et non plus un individu qui voit ou qui écoute. Maharaj parle de cette vision :
« Quand un objet est vu comme un objet, cela présuppose un sujet différent de l'objet. Dans la perception d'un être libéré, il n'y a ni sujet qui voit, ni objet qui est vu ; il n’y a que la "vision", le voir. En d'autres termes, la perception d'un être libéré est antérieure à toute interprétation des facultés sensorielles. (...) En bref, la vision de l’être libéré est vision totale, ou vision intégrée, ou vision intuitive, vision exempte de tout caractère objectif – et cela, c'est être libre de l'attachement. C'est cela que signifie ma phrase : "Je vois, mais je ne vois pas." »
Ce geste de la conscience, qui vide la perception du sujet et de l'objet, permet de retrouver ce regard neuf qui n'est pas un « regard prédateur » toujours prêt à saisir le réel dans les filets des concepts et des émotions individuelles.
La perception est enfin libre de toutes interprétations subjectives et égotiques, sans but, sans intention.
Dans ce regard, les choses n'existent plus au service de l'ego mais sont présentes gratuitement; elles vivent uniquement pour elles-mêmes. Ainsi par exemple, la rue n'est plus simplement vécue comme « une rue que je dois traverser pour aller à mon travail », rue que rien ne distingue des milliers d'autres déjà empruntées et des milliers de rues à traverser encore dans le futur. La rue est, dans ce regard, non plus distraitement regardée à partir des soucis de la forme-mentale égotique, mais enfin vue dans la transparence de la Vision, à partir de la conscience vide, nue, sans but et sans pourquoi. La rue apparaît comme le surgissement d'un être singulier, comme un événement unique explosant dans des formes, des couleurs, des mouvements comme La Rue.
Stephen Jourdain décrit magnifiquement ce regard :
« Ça ne vous est jamais arrivé, de vous promener dans une rue, et puis tout à coup, ce n'est plus dans une rue que vous êtes, c'est dans La Rue, tout vous arrive précédé de l'article défini, et se met comme à briller, et un extra-ordinaire bonheur fondant et bourdonnant est là, avec l'impression qu'il y a des siècles que vous vivez cette seconde, qui durera toujours? »
Apprendre à vivre cette attention globale, c'est libérer le regard de toute volonté de propriété, de tout désir, de tout souci, de tout besoin; c'est vider le regard de l’individu pour que la Vision magique puisse apparaître comme un lever de soleil. L'attention désintéressée est une percée dans un monde nouveau et frais n’appartenant à personne, et qui se tient là immobile, gratuite, donné, comme la simple présence de l'Être. Il faut accepter de mourir en tant que spectateur individuel pour retrouver un spectacle dépourvu de spectateur.
Le regard doit se vider; il doit se creuser pour révéler son absolue vacuité, sa totale liberté, son infinie impersonnalité. Personne ne regarde le monde et le monde n'est pas regardé ; il n'y a plus de voyant et de vu, plus de sujet et plus d'objet mais juste une vision, juste un étonnement, juste un silence et une allégresse.
Les meilleurs artistes, d'ailleurs, connaissent cette Vision qui est la source de leur art où ils puisent la vérité et la beauté de leur inspiration. Giacometti par exemple écrit :
« Ce jour-là, je me souviens très exactement, en sortant boulevard Montparnasse, d'avoir regardé le boulevard comme je ne l'avais jamais vu. Tout était autre, et la profondeur et les objets, et les couleurs, et le silence (...). Tout me semblait autre et tout à fait nouveau (...). C'était, si vous voulez, une espèce d'émerveillement continuel de n'importe quoi. (...) Ce jour-là la réalité s'est revalorisée pour moi, du tout au tout : elle devenait l'inconnu, mais en même temps un inconnu merveilleux.»
Il est impossible, pour celui qui n'expérimente pas ce regard, de comprendre ou d'imaginer ce dont il est question ici à savoir que le regard peut être vide de tout sujet; car le moi pense, qu'avec ce regard, il verra, lui, le moi, les choses différemment alors qu'en réalité le moi va disparaître dans la Vision où le spectacle se donnera sans spectateur. Voici un autre témoignage contemporain d'une telle révélation :
« Un dimanche d'automne à la campagne. Quelques amis sont venus passer le week-end et, le repas terminé, certains se préparent à faire une promenade dans le bois, d'autres à passer l'après-midi à bavarder devant le feu de cheminée. Je suis dans la cuisine pour effectuer quelques rangements avant de les rejoindre lorsque, soudain, je prends conscience que quelque chose est changé, différent. Tout est net, clair, limpide, immédiat, comme si un voile avait été enlevé, comme si une vitre avait disparu. Je n'ai plus l'impression de regarder autour de moi, le centre du regard a disparu, "je" ne suis plus dans le regard.
Les autres, le monde qui m'entoure, le personnage que je suis participent d'une même vie, d'une même substance, sans séparation, sans rupture, dans un même mouvement fluide et harmonieux. Les gestes coutumiers se déroulent d'eux-mêmes, simples, faciles, portés par un silence intérieur intensément présent. Silence-amour infini qui émane de sa propre Nature, irradie de lui-même et de toute chose.
L'apparence du monde n'a pas changé, mais le monde vit autrement, habité par ce silence et cet amour qui sont le coeur de toute chose et de toute vie. Le personnage (que je suis) n'a pas changé, mais "je" n'est plus dans le personnage, remplacé par ce silence et cet amour infini qui rayonne et chante à l'infini. » (Marigal)
Ce récit de la révélation du regard montre très bien que « le centre du regard a disparu », que « je ne suis plus dans le regard ». C'est en effet exactement la structure réelle de l'attention éveillée qui n'est l'attention de personne mais attention pure, Conscience impersonnelle, Vacuité immense, Espace transparent.
Cette Vision dégage la perception de tout concept. Certes le concept ne disparaît pas, mais il passe à l’arrière-plan de la perception, libérant du même coup les sensations.
L'impression est tout à fait semblable, comme nous l'avons dit plus haut, à celle de l'enlèvement d'un voile gris et sale de devant le regard. Le Regard du Soi est un Regard sans préhension car dépourvu d'observateur. L'attention devient sans but, sans volonté de saisir quoi que ce soit d'autre qu'elle-même. Cette attention de la Vision à elle-même est plus un laisser-être qu'un faire.
Il n'y a pas à créer cette Vision ; il suffit de constater qu'elle est déjà là, précédant toujours toute conscience de l'ego.
D'une certaine façon il s'agit donc de retrouver une innocence non conceptuelle. Alors le monde et le Vide s'unissent dans une Vision d'une incroyable et saisissante beauté.
Cette attention que j'ai appelée désintéressée, c'est-à-dire libre de l'emprise du sujet et de l'objet, est en même temps et paradoxalement l'occasion d'un intérêt nouveau et intense pour le monde et les objets qui apparaissent avec un éclat et une précision bouleversants.
Le regard sans spectateur est la clef qui ouvre cet Espace vide où l'intérieur et l'extérieur s'épousent dans une noce d'allégresse. Il faut apprendre à « regarder sans regarder » pour que cette Vision dévoile le vrai moi, le noumène au delà des phénomènes. L'attention demande donc un apprentissage ; elle accompagne le cheminement intellectuel vers le vrai de soi-même.
L'attention doit donc savoir s'abandonner à l'instant présent, mais, en même temps, elle doit rester alerte, éveillée, vive, curieuse de l'Être qui se donne à elle.
L'attention est une invitation à jouir de l'Être, des formes, des couleurs, des sons, des odeurs, du mouvement mais sans saisie conceptuelle."
José Le Roy
http://eveilphilosophie.canalblog.com/archives/2009/10/31/15629137.html
Vous imposez des limites à votre véritable nature d'être infini, puis vous vous désolez de n'être qu'une créature limitée, ensuite vous mettez en œuvre des pratiques spirituelles pour transcender ces limites inexistantes. Mais si votre pratique même implique l'existence de ces limites, comment pourraient-elles vous permettre de les transcender ?
Ramana